Art comme Amour, Video comme Vie
Notes sur la Main >
Texte commencé le 09/02/2023, à continuer par JiSun LEE
Elle est magique.
J’en ai deux en plus, qui s’entendent si bien.
Elle est froide aussi bien que chaude, souple en même temps que ferme, habile, maline.
Tous ses plis qui donnent le mouvement, tous ses rides qui tracent le vécu, et les dix ongles qui grattent et les dix empreintes personnalisées pour chacun parmi les milliards d’hommes. Le digital, la pointe du doigt, définit notre actualité informatique et déverrouille le monde numérique.
Séparément,
j’écris avec celle de droite et je dessine avec celle de gauche. C’est leurs missions les plus importantes aujourd’hui. Sinon, je suis plutôt ambidextre dans la vie. Sur le clavier en particulier, les dix doigts orchestrent des occupations à la fois communes et individuelles. Au quotidien, je cuisine, mange, lave, marche, dors, pense avec les deux. Ce duo est beaucoup plus actif que celui des yeux et des oreilles. Il cherche à toucher le monde, la vie.
Ce n’est pas que la main que je dessine.
Mais c’est ma main qui dessine dans tous les cas.
Le dessin des mains qui parlent, la photographie des mains qui pointent, la vidéo des mains qui marchent, le texte des mains qui rêvent. La main ainsi imagée est presque toujours un portrait pour moi. Alors que mon visage suit mon âge avec un peu de retard, mes mains vieillissent, mûrissent dans le temps.
Artiste, surtout une personne avec une petite voix, habitant en France en tant qu’étrangère depuis 15 ans, malgré la bonne maîtrise de la langue française, parler était toujours une stratégie repoussée plus que montrer. Alors que les mains font bien des images, des signes et des créations parlantes, le monde nous force à parler à haute voix pour être entendus. Vous ne saviez probablement pas, mais je suis devenue très bavarde avec ce vécu.
Pour moi, je parle trop.
En parlant, j’écoute moins bien. C’est pour ça que j’ai conçu mon nouveau projet vidéo « écho » pour écouter les autres, vous écouter. Mais ce beau, gros, long projet ne peut démarrer tout de suite, car j’attends le financement. Une fois le projet lancé, je viendrai vers vous, progressivement, individuellement, pour capturer vos voix et vous faire écouter vous-même. Un jour, je ferai chanter vos voix avec celles d’autrui. J’en rêve.
La main, c’est maintenant. (La main qui tient !)
Dans la nouvelle série « Les Manuscrits », composée d’un dessin de la main gestuelle encadré avec le texte transparent manuscrit sur le verre du cadre, je parle avec les mains. Le dessin a deux objets parlants : la main et le texte, qui ne sont pas visibles en même temps alors qu’ils sont sur le même plan. L’œuvre demande aux spectateurs de déplacer les yeux, de travailler la focale, et de chercher de la bonne lumière pour voir les deux objets et concevoir les deux paroles émises de l’œuvre. Les gestes communs, personnels, stéréotypés ou interdits évoquent une ou plusieurs situation(s) puis la phrase écrite au-dessus en propose une.
Cette série,
commençant par l’étude de mes propres mains « I’m talking now. », a ensuite pour objectif de se développer vers la rencontre des mains différentes. De l’anonymat vers l’identification, pour réaliser le dialogue entre l’artiste-auteur et le participant-sujet et le public-regardeur, j’envisage de faire parler aux autres par leurs propres mains. Si les phrases qui accompagnent la première série commencent par ‘I’, le « je », il s’agirait d’une variation des énoncés, du ton, de langues et langages différents. La technique, le format, le système du dessin seront remis en question pour explorer encore en profondeur cette question de parler-montrer.
Mes mains représentent mon Temps.
« I'm going now(here). »
JiSun LEE, 2023, encre sur papier 21x29,7 cm