top of page

Notes sur la Voix >

Texte commencé le 18/11/2022, revu le 26/12/2022 par JiSun LEE

La voix est le son avant tout.

Car, parfois, je produis un son par la bouche sans qu’il donne une trace de mot ou une idée de langue, même si ce son sans message donne, malgré tout, une écriture.

J’ai une voix blanche, une petite voix, une voix faible, presque comme un murmure légèrement plus timbré.

Ça vient de mon père. Lui aussi, il a une voix sans résonance alors que ma mère, quand elle parle, sa voix perce l’air et arrive clairement aux oreilles.

Ma voix se diffuse dans l’air, elle refuse de faire la masse et aime s’éparpiller.

Ma gorge se fatigue facilement et mon estomac aime rester vide, mon corps manque de l’énergie pour faire travailler les muscles qui font vibrer ma voix vers l’extérieur.

Mes amis proches ont ainsi appris à m’écouter, à m’entendre pour qu’on soit amis.

Avec eux, je n’ai pas besoin de crier pour atteindre un certain décibel dans la conversation.

La voix est le récit ensuite.

Elle voudrait dire quelque chose. Elle lit les pensées, elle raconte la mémoire, elle avance ou remonte le temps. Par son acte physique, elle se lie immédiatement aux actions intellectuelles, psychiques, sensorielles, émotives, linguistiques, comportementales et ainsi de suite.

Je mets ma voix. Monologue ou dialogue, dans une langue connue ou dans des codes mélangés, en temps réel ou intertemporel, vis-à-vis ou par enregistrement, je participe à une conversation avec ma voix.

Je récite.

Je fais partie de la suite des récits quelconques, composés de mots, langues, exclamations, gestes, expressions, souvenirs, oublis, vérités, mensonges, exagérations, ignorances, imaginations, fautes, connaissances, inventions, etc.

La voix est la mémoire bien sûr.

J’enregistre ma voix, je m’enregistre. La voix enregistrée est comme une vidéo plutôt qu’une photo. Elle a son temps, sa durée. Elle a sa poésie. L’air ambiant et les minuscules bruits y sont contenus avec la voix. La respiration, l’état de la gorge, le mouvement de la langue, le choix du timbre, et les paroles sont inscrits dans la mémoire matérialisée avec la voix.

La voix se souvient.

Comme disait Deleuze dans « L’image-temps », ‘la voix comme mémoire encadre le flash-back’.

Elle rappelle et projette.

La voix est le dialogue surtout.

Je comprenais le terme dialogue comme une conversation entre deux objets parlants, en croyant savoir que le préfixe dia- (indiquant un processus, une traversée, etc.) était le même que di- (indiquant un rapport de deux). Donc, naturellement, je distinguais le dialogue du monologue par le nombre d’interlocuteurs, comme décrivait dans la plupart des dictionnaires français et anglais.

Robert Mckee, dans son livre « Dialogue : The Art of Verbal Action for Page, Stage, and Screen », me clarifie que le terme dialogue donne trois modes de compréhension : Un, talk to others (parler aux autres) ; Deux, talk within oneself (parler en soi) ; Trois, talk to readers and audiences (parler aux lecteurs et au public).

Le premier est le dialogue au sens conventionnel, qu’on pourrait appeler duologue pour deux, trialogue pour trois, multilogue pour plusieurs interlocuteurs.

Le deuxième est ce qu’on n’entend pas dans la vie réelle, mais ce qu’on nous fait entendre le plus souvent dans les livres ou films. Le monologue d’un personnage dans une œuvre est finalement un dialogue, car il parle toujours à quelqu’un, même s’il s’agit de son autre côté.

Le troisième peut avoir plusieurs façons, mais ce qui me concerne le plus est la voix-off.

La voix est in et/ou off.

Je trouve une belle description sur la voix-off sur un site Internet (idixia.net) qui cite un livre que je ne connaissais pas mais que je devrais absolument lire : « La voix au cinéma » de Michel Chion.

Déjà, on sait que la voix-in est dans le champ et la voix-off est hors-champ.

Je cite : ‘La voix-off est parallèle aux images. Elle ne les recoupe jamais, comme un métalangage. Elle ne s'adresse qu'au spectateur, avec lequel elle fait alliance. (…) La voix-in est celle qui intervient dans l'image, y produit un effet, même si elle est émise hors-champ. C'est celle de l'interviewer qui fait réagir un visage, un corps. Le trouble est offert au spectateur dans une sorte de voyeurisme.’

Une chose en plus sur la voix-off : ‘Il y a deux types de voix-off : celle qui nous reste extérieure (en retrait) et celle à laquelle nous nous identifions (voix-je)’

Je réfléchis un peu. Les deux types de voix-off me font réfléchir à ma voix utilisée dans mes vidéos.

Ma voix dans ma vidéo.

C’était en 2010 que j’ai utilisé ma voix pour la première fois dans une de mes premières vidéos. Dans un cours de l’école des beaux-arts de Dijon, intitulé Multiple, dirigé par Philippe Cazal (mon coordinateur de 5e année) et Hubert Besacier (mon coordinateur de 3e année), on faisait des 'inserts'. Pour le thème proposé par ces deux professeurs, de faire une vidéo de présentation de son travail sans montrer son visage, j’ai fait « La Première Présentation de l’Ombre ». Car, à l’époque, j’étais à fond dans les études du moi, de l’individu, de l’inconscient chez Jung, chez Haruki, chez Kundera, etc. Donc, j’ai présenté mon ombre avec ma voix, accompagnée de l’image très simple de la lumière qui s’éclate dans le noir jusqu’à éclaircir complètement l’écran. La vidéo dure 1 minute 29 secondes. J’avais une voix encore plus petite et timide que maintenant.

« Première présentation de l’ombre »

JiSun LEE, 2010, vidéo, 1’29’’, couleur, stéréo

(voix-off en français, texte original & voix par l’artiste)

Ma voix est mon ombre.

Il arrive que je me montre dans mes œuvres par des reflets, ombres, ou bien très rarement mais comme ça, moi, filmée quelque part. Ma voix par contre, elle est toujours off. Je ne parle jamais de mes lèvres dans mes vidéos, je parle de loin, invisiblement, sans personnage inventé, juste le je, le i, moitié connu, moitié inconnu.

Je donne une voix à mon ombre qui parle.

Je connais à peine mon ombre.

On se connaît un peu mieux depuis à peine un peu plus de dix ans.

Pourtant, c’est elle que je dessine, que j’anime, que j’incorpore dans la création depuis que je suis artiste.

Elle, l’ombre.

« Deuxième présentation de l’ombre »

JiSun LEE, 2020, vidéo, 4’11’’, couleur, stéréo

(voix-off en français, musique originale, texte & voix par l’artiste

La voix est la lumière.

Si la voix est mon ombre, elle est ma lumière. Car les deux sont inséparables. Les deux n’existent qu’ensemble.

Mais aussi, elle est lumière parce qu’elle donne à voir.

Elle donne la couleur, les nuances et les effets aux images de la vidéo.

Elle donne l’image même lorsqu’elle s’échappe du noir, du rien ou du vide.

Encore, elle est lumière parce qu’elle est douce.

Les mots ou les paroles peuvent être froid(e)s, mais la voix elle-même est douce, chaude, parfois bouillante, en flamme.

Même la voix d’une personne juste avant sa mort est douce, la plus chaude, vivante.

Enfin, elle est lumière parce qu’elle est vivante.

Les morts qui nous ont laissé la voix reviennent en vie lorsqu’on les entend.

L’ordinateur qui nous parle par une voix comme Siri, Bixby, Alexa nous paraît comme un être vivant.

La vidéo qui parle, parle d’une vie, quoi qu’elle soit.

Enfin, la voix est moi.

Autant de voix que moi. Autant de « je » que voix.

Elle m’émet dans le monde.

« Voix de Rêve » (Extrait de 30 sec.)

JiSun LEE, 2022, court-métrage, 10’10’’, noir, blanc & couleur, stéréo, musique originale par JiSun LEE, voix par JiSun LEE, DongWon KIM et plus, texte original écrit par JiSun LEE en coréen

유사화효가행

  • Grey Instagram Icon
  • Grey YouTube Icon
  • Grey Vimeo Icon
bottom of page